Promesse non tenue

Mes pieds étaient enduit de boue et de sang. Mon corps, comme mon esprit étaient épuisés par les combats. Voilà des heures que les soldats tombaient, d’un camp comme de l’autre, dans un son visqueux et écœurant.

La fin était à portée de main, je touchais mon but. J’avais remonté , abattu tant de personnes pour l’atteindre. Je savais déjà, que ces obstacles sacrifiés m’empêcheront de dormir jusqu’à la fin de ma vie. Que je verrais leur sang sur mes mains, et leur corps tomber sur moi dès que je fermerai les yeux. Mais ma décision était prise. Je sacrifiais mon humanité, j’outrepasserai tous les obstacles, épée à la main, pour voir cette unique personne agoniser à genoux.
Le sommet de la colline était à présent visible, dévoilant un horizon plus vaste, le jour n’allait pas tarder à se lever. D’en haut, j’apercevais déja les premiers reflets du soleil. Au milieu de ces reflets, ma vengeance se tenait debout, épée à l’emblème de lion à la main, emblème avait pris ma sœur. Cette fois-ci, ce sera mon épée qui sera planté dans son corps.

— Tu es parvenu jusqu’à moi. Auras-tu le courage de me tuer cette fois-ci ?

Les pieds alourdis par la terre, je fonçais, la pointe de mon épée en avant, jusqu’à mon adversaire. L’odeur de l’herbe humide arrachée à la terre par mes bottes s’élevait alors que nous réduisions la distance qui nous sépare.
Le premier coup d’épée retentie. Nous étions tous deux affaiblis par les combats précédant, et cet unique coup suffit à désarmer nos mains tremblantes de tétanie. L’esprit lucide, je saisis la dague accrochée à ma cuisse et fonça tête baissée vers mon ennemie en train de se relever. J’avais quelque chose qu’il n’avait pas, une haine assez féroce pour me permettre de saisir cette dague malgré mes doigts tremblants.

Alors que la lame transperçait la chair, mon corps se remplie de joie. Chaque millimètre qui s’enfonçait dans le cœur de Marcus était une libération.
J’ouvrai, les yeux, pressés de voir son visage se décomposer, mais ce fut le mien qui se décomposa. La cuirasse gravée d’une tête de lion n’était pas celle transpercée par ma dague. Mais un plastron familier noir en écailles de serpent. Un plastron que j’avais tant de fois retiré avec envie et passion.

— Lorenzo, hurlais-je.
— Freya, ma chérie.
— Non non non.

Les mains, non plus tremblantes de fatigue, mais de peur, j’appuyais sur la poitrine de mon homme contournant tant bien que mal la dague.

— Lorenzo ne me fait pas ça, je t’en supplie.

Ses mains se baladaient dans mes cheveux tachés de sang et de boue. Il suivait la forme de mes boucles d’un doigt, comme il le faisait après que nous ayons fait l’amour. Mon cœur battait si fort dans ma poitrine qu’il m’était difficile de respirer.

— Même s’il a tué Élina… Articulait-il avec difficulté. Tu ne te pardonnerais jamais, d’avoir tué le seul frère qu’il te reste. Son front devenait moite, sa respiration lente et saccadée. Tu l’aimes autant que tu le haïs.

Ses jambes cessèrent de supporter le poids de son corps. Je tentai de ralentir sa chute, mais son poids m’emportait. Étalé dans l’herbe, vidé de ses forces, je le tirai jusqu’à moi et déposai sa tête sur mes jambes. Je détaillai chaque parcelle de son visage, tout en dégageant une mèche de ses cheveux.

Mes yeux abonnant de larmes floutaient l’image de son visage pâlie. Je tentais de les stopper afin de clarifier ma vision et ancrer chaque parcelle de lui en moi, en vain. Son pouce essuya les larmes de mes yeux et sa main vient se loger dans ma nuque. Il m’attira à lui, m’offrant un dernier baisé. Je savourais son odeur de lavande et le goût de ses lèvres. Je passai ma main dans ses cheveux, serrant sa tête contre moi une dernière fois. Pourrions-nous fusionner si je le serrais assez ? Pourrait-il survivre ?
Sa main perdit de sa force et glissant le long de mon cou, sans vie.

— Je t’interdis de mourir avant moi, tu me l’as promis. Répétais-je indéfiniment en larme, comme si cette promesse suffirait à le ramener.

Ma tête s’écrasa contre son torse froid. Son corps moite et sans vie sous mes doigts m’arracha un énième sanglot.
Mes mains tenant cette dague avec joie, enfonçant la lame avec hâte, son sang sur mes mains. C’est cette vision qui hantera mes nuits. Peu importe, le sang des autres, peu importe le corps de Marcus, froidement tué, les entailles ouvertes gisant à quelques mètres. Seul, lui comptait. Je reposais sa tête sur mes jambes et la mienne sur son torse.

Le jour était pleinement levé.