Bagarre générale

(Premier atelieeeer     )

Les bras chargés de produits bon marchés comme tout étudiant au budget serré, Martin attendait patiemment son tour derrière deux Erasmus, écouteurs dans les oreilles, la barre au crâne de sa soirée de la veille.
Outre un faux débat sur la recette de la sauce carbonara, leur carte bleue ne passait pas. L’Erasmus italien retenta après le français.
C’était dimanche, Martin avait la gueule de bois et n’était donc pas en état d’être pressé.
Même le cri d’effroi qui retentit au loin dans les rayons du magasin n’attisa pas de réaction de sa part. Pas plus que le suivant.
Il bailla.
Devant lui, la caissière saisit la conserve de petits pois qu’il avait posée de son côté du tapis et alla l’éclater dans le nez de l’italien. Elle bondit par-dessus le tapis et sauta à sa gorge pour déchaîner une rage de coups sortie de nulle part.
Choqué, Martin lâcha au sol tous ses produits.
Sans qu’il n’ait le temps de comprendre quoi que ce soit, quelque chose se fracassa en travers de son dos, choc heureusement amorti par son sac, mais qui l’envoya violemment en avant. Il se prit les pieds dans la caissière qui arrachait l’oreille de l’italien avec ses dents, totalement possédée, et s’étala de tout son long plus loin.
Brusquement noyé d’adrénaline, il se retourna. Un vieil homme armé d’un balai - son agresseur – se battait contre une mère de famille dont les deux enfants mordaient les mollets des autres clients alentours.

- Bordel mais c’est quoi ce dé… ARGH !

Une main se referma sur sa cheville à lui en broyer l’os. La caissière rampante le tira vers lui, les yeux exorbités. Il hurla d’une terreur sans nom et par réflexe lui envoya son autre pied en plein visage pour la faire lâcher prise et se relever aussitôt. Devant lui, toutes les caisses, tous les rayons, étaient désormais en proie à une bagarre générale. Une crise de rage géante venait de s’emparer du supermarché.

Définitivement réveillé de sa brume alcoolisée, il se mit à courir vers la sortie, sautant par-dessus les bancs et décorations de la galerie. Un corps le percuta de travers et l’envoya à travers la vitre du salon de coiffure de la galerie commerciale où il tomba à la renverse. Quelque chose lui sauta à la gorge et étouffa son cri. Il gigota tant qu’il put, frappa le dos et les flancs de la grand-mère mais sa fureur semblait la rendre insensible. A court d'air, il tâta le sol autour de lui jusqu’à saisir le premier objet venu.
Le souffle brûlant du sèche-cheveux arracha un hurlement de douleur de son assaillante, qu’il repoussa violemment d’un coup de tête pour s’enfuir. La main à son front douloureux, chancelant, il dérapa maladroitement sur les bris de verre, enjamba le dos d’un agent de sécurité plié en deux par une blessure et atteignit enfin la sortie.

- Non mais non mais NON ! hurla-t-il en s’agrippant les cheveux d’horreur.
Les voitures incendiées contre des arrêts de bus, les corps jetés des fenêtres, les gens qui s’étranglaient. Toute la rue était en proie à la même folie.
- WAAAAAAAAAAAAAAAH !
Martin eut juste le temps d’esquiver le fou furieux qui fonçait sur lui avec un caddie de course, caddie qui encastra sa roue dans une grille d’égout et fit un arrêt net, envoyant l’homme par-dessus.
- M. Turen ?! s’horrifia Martin.
Son voisin, et professeur de guitare, enragé lui aussi. Il se relevait déjà pour lui casser la gueule. Pour le tuer, même. Tant pis. Le souffle court, la tête en vrac, il réagit à l’instinct : il récupéra le caddie et zigzagua entre les enragés pour rejoindre la route. Le bruit métallique du caddie attira l’attention et il fut vite pris en chasse. Il courut à moitié courbé pour éviter des individus bondissant vers lui, prit très court le virage autour de la fontaine et accéléra, les poumons en feu. De la vitesse, de la vitesse !
Bientôt la route s’inclina. Pendant un instant, du haut de cette place pourtant sans grand attrait d’ordinaire, il eut vue sur tout Paris. Tout Paris et ses colonnes de fumées par centaines. Le monde était en flammes ! Pas le temps de s’attarder, il sauta tête en avant dans le caddie pour un dernier élan droit dans la pente de l’avenue qui longeait le cimetière du Père-Lachaise : une des pentes les plus longues et les plus inclinées après Montmartre et les Buttes Chaumont.
Il parvint maladroitement à se remettre droit et accroupi dans son véhicule de fortune, et put crier de terreur tout à loisir alors qu’il fonçait ainsi à toute berzingue en pente raide, au point que les petites roues du caddie menacèrent bientôt de lâcher. Tirant fort, il bascula sur les derniers mètres et se recroquevilla dans son cube grillagé, le métal grinçant sur le bitume à lui en brûler la peau. Sans écouter son corps malmené, Martin reprit sa course folle. Il y était presque ! Son appartement !

Il se fit plaquer brusquement au sol. Son menton cogna l’asphalte. Il en perdit une dent. La douleur lui perça le crâne mais l’adrénaline fit son œuvre une fois encore. Il roula de côté et rampa aussi loin que possible de son agresseur. Il était taillé comme un joueur de rugby et lui fonçait déjà dessus.
Martin ne s’était jamais battu de sa vie, pourtant à ce moment-là, il se souvint avec précision de sa meilleure amie, de son caractère de merde, et de son plus grand conseil jamais donné en tant que femme soumise aux aléas des ivrognes insistants de fins de soirée.
D'un regard, il avait vu le pavé dévissé du trottoir. D'un regard, il sut. Il s’écarta de la charge brute du bodybuildé, saisit le pavé, et l’écrasa violemment dans l’entrejambe de l’homme à l’instant même où il fit volte-face vers lui. Cette tétanie violente fut une autoroute d’opportunités : la brique fermement en main, il l’aplatit dans la tempe de l’homme, puis en uppercut sous le menton, l’envoyant au tapis.

Au milieu du chaos, l’enragé à terre ne bougeait plus. Martin lâcha sa brique, choqué par sa propre attitude. Il reprit sa course, haletant, vers la porte quelques mètres plus loin, et s’engouffra dans la cage d’escalier. Il monta les étages jusqu’à l’avant dernier, sans se soucier des cris d’affrontements qui perçaient entre les murs de chaque appartement sur sa route.
Il rentra chez lui en catastrophe, le visage maculé de sang, et cala le premier gros meuble venu devant sa porte préalablement fermée à double tour.
Dos contre l’armoire, il put enfin souffler. Ou presque.
Dans le clic-clac du salon, son pote Greg était assis avec de petits yeux fatigués et les cheveux en vrac. Il le fixait. Martin retint son souffle.
- Bah… qu’est-ce qui t’arrive frère ? Me dis pas que tu t’es battu pour un jus de fruits et de l’aspirine.
Il s’esclaffa, d’un rire gras et fatigué, que seules les gueules de bois pouvaient donner. Il riait littéralement tout seul. Il se réveillait à peine alors que lui venait de manquer dix fois de se faire tuer. Loin de la rage généralisée, en cet instant il aurait pourtant presque pu l'étrangler. Martin resta cependant figé à le regarder, anesthésié, confus.

Sur la table du salon, l’emballage des deux cartes Sim du technocrate milliardaire Richmond Valentine, précommandées en vue d’une future incorporation dans la nuque, était encore intact.

Quelque part loin de Paris, un jeune agent Kingsman à peine formé allait bientôt mettre fin à cette folie collective.

Je sais pas si c'était le but, mais ça m'a fait hurler de rire du début à la fin. C'était épique. On ressent vraiment bien la folie furieuse des évènements, et côté combats, on est servis ! Et bravo pour l'idée derrière le récit.

Pas grand chose de plus à dire. Je suppose que sur la fin tu fais référence au film Kingsman, mais mes souvenirs de celui-ci sont trop flous, je n'ai pas tout saisi haha.

Coucou ! Déjà un grand bravo pour ta première participation J'aime beaucoup l'idée et pendant toute la lecture j'ai pensé à Kingsman, donc j'ai souri quand j'ai vu la fin
C'est très rythmé, ça part dans tous les sens et parfois j'étais un peu perdue mais j'ai passé un bon moment.
Après je dirais que le style est parfois un peu confus (mais c'est peut-être dû à l'histoire que tu as voulu raconter) et que certaines phrases sont un peu longues, notamment la première
Bravo à toi !

C'était TROP COOL ! Franchement merci pour ce premier texte, il était génial x) J'ai pas vu beaucoup de Kingsman donc j'avais pas vraiment la ref en lisant, donc au début je pensais que c'était juste une bête invasion zombie (vachement plus probable d'après mon cerveau malade, passons). ça fait très pulp (moyen sûr de cet adjectif), même si au moment où il "s'arrache les cheveux" en criant non, j'ai trouvé ça un touuuuut petit peu forcé (après, c'est peut-être parce que je m'imagine "Le Désespéré" de Courbet, mais quand même)
J'ai pas vraiment de remarque à faire sur le style, ça m'a semblé très bon, surtout en si peu de temps, et ça colle très bien avec l'esprit du texte ^^ Encore bravo pour ta participation !

Dès le début je me suis dit "Oh ça me fait trop penser à Kingsman !"
J'ADORE !!
Certaines phrases sont peut-être un petit peu longues, mais dans l'ensemble c'est très bien écrit, épique et drôle à la fois (tu as bien saisi l'essence du film !)
Un grand bravo pour ton texte !

Hello ! Bravo pour ton texte ! C'est vrai qu'il est très plaisant à lire, c'est rythmé, et tout s'enchaîne bien. Juste deux choses :

Outre, donc, même : attention à ne pas collectionner les mots de liaison dans le même paragraphe, ça donne un style un peu ampoulé.

Quelque chose : tu le dis deux fois pour deux attaques différentes, attention à ne pas être redondant

Merci pour ta participation !