Atelier 2022-06-26 - Combat nocturne

Je longeai la rivière. Aucune lumière aux alentours, hormis celles, lointaines, des torches du hameau, et celle, blafarde, de la lune qui surplombait la vallée désertée, dont le calme n’était perturbé que par l’écoulement de la rivière et mes pas. Je réfléchissais à la bataille du lendemain. Serais-je à la hauteur, sans expérience ? Était-ce la bonne solution ? Et finalement, à part une liberté toute relative, qu’y gagnerai-je ?

Et surtout, qui est prêt à en vouloir à ma vie pour m’empêcher de profiter de cette liberté ?

En tout cas quelqu’un de peu discret, à en juger le crépitement de ses pas, sans aucune synchronie avec les miens. Il arrivait derrière moi, dégainant son arme, le souffle haletant. Je m’arrêtai net. Il me fallait une esquive. Vite. La rivière à ma droite ? Impossible de remonter si j’y plonge. Impossible de prévoir également le coup qu’il allait me donner. Tant pis, il n’y avait pas cinquante solutions.

Une lame fendit l’air alors que je plongeai sur la gauche, prêt à tirer mon épée du fourreau. Mon assassin avait tranché, de haut en bas, et peinait à se reprendre, lâchant un juron, tellement il avait mis du cœur dans ce coup.

Je me redressai, enfin armé. Une masse sombre se releva également, la lune se reflétant faiblement sur son arme. Il se tourna vers moi, et je distinguai enfin quelques traits de son visage juvénile :

— Vous ! m’exclamai-je.
— Et qui d’autre ? Vous avez pris ma place, il faut bien que je la reprenne. Et si c’est une nouvelle fois par le sang, je ne vois pas pourquoi je me gênerais.
— Vous n’avez rien appris de la dernière fois. J’ai mes raisons, pourquoi m’en empêcher ?
— Pour que vous récupériez toute la gloire ? Très peu pour moi !
— Parce qu’attaquer par derrière, c’est glorieux ?
— Vous avez eu de la chance en prenant ma place, mais ne vous attendez pas à ce que je retienne mes coups !

Un coup de taille horizontal, que je parai aisément, annonça le début du combat. Il était en armure, je n’avais aucune protection. Il fallait que je tire partie de ma mobilité, et vite. Je pouvais essayer de parer, d’esquiver, de le fatiguer, mais il fallait se faire une raison… j’étais sans doute moins préparé au combat que lui, et la journée avait été éreintante. Je n’étais pas certain d’être le plus endurant.

L’obscurité m’empêchait de voir distinctement ses mouvements, il ne me restait plus qu’à espérer que ce soit pareil pour lui. Méfiant, je restai finalement sur mes gardes, prêt à tout parer. Il frappa plusieurs coups, de taille encore, que je ne pus parer sans reculer. Les coups se firent de plus en plus fréquents. Il avait compris que je ne voyais aucune solution.

À mesure que mes mains s’engourdissaient à cause du choc des parades répétées, je me rendis compte que lui aussi faiblissait. Il peinait à tenir le rythme effréné de ses coups et ne frappait plus qu’un coup sur deux, à deux mains, de gauche à droite.

— Alors ? Vous avez peur de me faire du mal ? railla-t-il.
— Et vous ? Vous fatiguez ? rétorquai-je.
— Comment ça ? C’est vous qui n’avez plus la lucidité pour comprendre !

Intrigué, je me mis à réfléchir. Ses coups incessants du même côté, m’avaient fait me décaler du même côté et, alors qu’il était le plus proche de la rivière au début, celle-ci se trouvait désormais juste derrière moi. Il avait réussi à me coincer.

— Vous l’avez fait exprès ?
— Vous n’êtes pas le seul à avoir de la stratégie ! Reculez un peu et c’en est fini de vous !

Il fallait que je tienne bon, mais comment esquiver ses coups et me libérer de cette posture ? Ses coups redoublèrent en intensité. Je ripostai de plus belle. Et enfin, il se décida à tenter le coup de grâce. Je le vis se déclencher. Le mouvement, inhabituel, de l’épée. Il porta une estocade, que je parvins à esquiver par miracle. Il perdit l’équilibre, mais en me décalant sur le côté, je sentis ma main perdre prise sur mon épée. C’était le moment ou jamais. Je lâchai mon arma, me ruai derrière lui et le poussai. Il tomba dans la rivière.

— C’est malin ! Vous aviez une armure, maintenant, elle va vous noyer ! lui lançai-je.

Emporté par le courant, en tentant de retirer son armure, il me maudit.