Elfes VS Démons

L’aube teintait le ciel de ses nuances pourpres. Les elfes parés de leur armures bleues et vertes, couleurs du Royaume Sylvestre, avaient pris position au sommet de la colline qui dominait la plaine. Au-delà s’étendaient leurs terres et l’immense forêt qui les tapissait. Les chants et murmures parcouraient les rangs de l’armée elfe, puis s’évanouirent peu à peu. Même la nature sembla soudainement bien silencieuse. L’heure était venue.

La terre gronda, vibra et craquela en d’innombrables fissures. Rougeoyantes et serpentant la plaine en contrebas, les crevasses se gorgèrent d’un mucus noir en ébullition. L’eau sombre qui s’écoulait des entrailles même de la terre se déversa sur la plaine dans un crépitement sinistre, laissant échapper une vapeur noire et pestilentielle. De ces ténèbres jaillirent des ombres ailées aux mugissements stridents et aux griffes acérées. Cette masse sombre et grouillante, nuée de chauves-souris déchainées, s’éleva dans les airs, puis fondit dans un craillement perçant sur les elfes.

Aussitôt, les flèches et rayons de lumière fusèrent, transperçant l’essaim noir dans un violent fracas. Rares furent les monstruosités à atteindre leurs cibles, et les elfes, loin d’être gagnés par l’effroi que suscitait un tel spectacle, dégainèrent les dagues aux reflets d’argents qui faisaient leur renommée. Leur éclat d’albâtre redoublait ce jour-là d’intensité. Ces lames blanches, effilées et imbibés de la magie des elfes, tournoyèrent, sifflèrent, puis tranchèrent net les créatures volantes, tout droit sorties des enfers. Déjà, la colline se teintait du sang noir des assaillants.

D’autres ombres jaillirent des ténèbres, plus nombreuses encore, accompagnées d’abominations dont les hauteurs dépassaient celles des arbres de leur forêt millénaire. Le pas lent et lourd de ces entités démoniaques martelait sauvagement la terre, y laissant des braises et cendres dans son sillage. Un brasier les animait et nimbait de flamme les orbites sombres de ces monstres.

Les exclamations et rayons de lumière fendirent de nouveau les airs. D’éminents magiciens de la Reine sylvestre s’avancèrent, puis combinèrent leurs chants et leurs magies dans de complexes incantations entremêlées. D’immenses orbes blancs se formèrent au-dessus des rangs elfiques, puis entrèrent lentement en rotation sur eux-mêmes. L’instant d’après, et d’un même souffle, les orbes furent puissamment projetés sur les forces sombres qui gravissaient la colline. La terre trembla et se craquela de plus belle, comme gémissante de douleur sous l’impact.

Plusieurs des grandes entités eurent des membres arrachés sous l’impact de la salve, et s’écroulèrent dans un grognement guttural. Les hordes à la peau écarlate et aux cornes recourbées étaient sur eux.

Les lames et dents des carnassiers s’enfoncèrent dans la chair, les déchirants et les transperçant dans de monstrueuses gerbes de sang rubicondes. Les griffes lacérèrent et éventrèrent les corps dénudés de leurs armures. Nombreux furent les malheureux pris au piège dans l’affrontement. Les entrailles jonchèrent l’herbe vermillon et noire, souillée des sangs entremêlés.

Cependant, les elfes, galvanisés par la présence de leur Reine, redoublèrent de combativité dans la bataille, rendant coups sur coups aux monstruosités enragées. Le combat dura jusqu’à la tombé du jour, jusqu’à ce que le dernier des démons encore en vie ne rende son dernier souffle. Victoire, aurait-on voulut s’exclamer.

Les pertes étaient cependant bien trop importantes pour se réjouir d’une quelconque façon de l’issue de la bataille. Les chants qui se mêlaient à la brise caressant le feuillage des arbres furent teintés des jours durant de tristesse. La colline bordant la forêt et le royaume sylvestre, désormais noire et calcinée, plus jamais ne retrouva son éclat.