Roger, Gérard et le far breton

Hello HUEllo ! ^^ J'ai fait l'atelier après tout le monde, mais j'ai essayé de respecter le temps grosso modo. Et j'ai écrit à la main, ce qui a résulté en des phrases trèèèèèès souvent plus courte que ce que j'écris ! Je vous retiens pas plus longtemps


Toutes les horloges s’étaient arrêtées. Bordel de merde.

Roger vérifia la grande horloge de son grand-père pour la troisième fois. Le vieux mécanisme nécessitait souvent d’être remonté, mais le mouvement de balancier continu était formel : c’était les aiguilles, le problème.

Il porta un regard à sa montre : 15h17, elle aussi. Il tapota le verre de l’accessoire, en vain : les aiguilles s’étaient arrêtées. Devait-il arrêter le four et reporter la cuisson de son far breton à plus tard ? Mais cela faisait déjà plusieurs minutes qu’il avait commencé à cuire, il ne pouvait le retirer maintenant sous peine de se faire maudire par le fantôme de tante Huguette.

Après une rapide gymnastique mentale, Roger se décida : il devait rester tout au plus une quinzaine de minutes à cuire. Soixante secondes par minute, soit… beaucoup de secondes. Il pouvait le faire.

— Un, deux, trois…

Il fixait le plat de l’autre côté de la vitre. Le flan du dessus n’avait pas encore doré qu’il craignait déjà qu’il prenne feu.

— Soixante-deux, soixante-trois,… Ah merde, non !

Il hésita avant de déplier l’un de ses doigts. Une retenue, il avait déjà compté une minute.

— Quatre, cinq, six,…

— Roger, qu’est-ce tu fous ?

Il sursauta, pris dans la contemplation de la pâtisserie.

— Je compte. Sept, huit, neuf…

— Dans mon panier neuf, plaisanta l’autre.

Le nouveau venu s’assit sur une chaise, la plaçant lui aussi près du four.

— Ferme-la, Gérard. Faut que je me concentre.

— C’est pas souvent, ça …

Roger soupira. À combien il était, déjà ? Il regarda sa main, où tous ses doigts étaient refermés ?

— C’est inutile, désespéra-t-il. Jamais je n’arriverai à estimer la cuisson de ce far breton.

Il se prit la tête entre les mains. Tout ce temps qu’il avait pris à réunir des ingrédients auprès des producteurs locaux. Il avait attendu la nuit de la nouvelle lune pour tamiser la farine. Il avait même beurré le plat avec du demi-sel, c’était dire !

Tout ces efforts, réduits en miettes.

— Mais tu veux pas le sortir quand il aura l’air cuit, simplement ? Demanda Gérard.

Claquement de langue indigné de Roger.

— Bah oui, allons-y comme des sauvages ! Et après, pourquoi pas le servir avec une pelle-à-tarte dans des assiettes en carton ?

Roger s’était levé. Il ne pouvait pas comprendre. Il ne voulait pas comprendre.

— Sinon... Commença Gérard.

Le cuisinier lui lança un regard mauvais. Il n’avait pas intérêt à lancer une autre idée saugrenue sous peine de subir son courroux.

— J’avais lu que certaines populations s’étaient déjà servies de chandelles pour mesurer le temps qui s’écoule. On pourrait peut-être en allumer une et attendre ?

Une nouvelle étincelle d’espoir naquit en Roger. Il se précipita en dehors de la cuisine, avant de revenir.

— Tu sais, plus j’y pense, moins j’y crois.

— Pourquoi tu remets toujours en question mes idées ?

— Parce qu’il n’y a pas de durée d’utilisation sur les bougies.

— Passe-moi ça.

Et Gérard prit l’une des bougies pomme-cannelle, son briquet commémoratif de la mort de Johnny et alluma le feu. Les deux compères se retrouvèrent à fixer la bougie, la cire se mettant à luire doucement.

— Et maintenant ? Demanda Roger.

— On attend qu’elle se termine.

— Gérard. Le far breton aura eu le temps de cramer trois fois avant que cette bougie crève.

L’homme au briquet caressa une barbe imaginaire, en proie à ses réflexions :

— Sinon, on pourrait brûler une feuille, et…

— Je pense que ta pyromanie n’est pas une solution.

Il lui prit son briquet des mains avant de le poser sur la table. Il fit tenir l’objet debout, son ombre se projetant sur la table. Un éclair de génie le traversa.

— Mais l’idée d’aller chercher dans les autres civilisations n’était peut-être pas si mauvaise !

Et Roger de repartir comme une flèche, plantant Gérard là. Le regard de ce dernier se dirigea vers le four, où la surface devenait dorée. Devait-il l’arrêter, au risque de contrarier son ami ?

Il s’approcha de l’interrupteur. Un tour sur la gauche, et le four s’éteindrait. Roger devenait de moins en moins raisonnable, techniquement, il agissait pour son propre bien.

— Lâche ce thermostat.

Le ton était menaçant entre les deux amis.

— Sinon quoi ? Demanda Gérard sans se retourner.

— Sinon je détruis ceci.

Il fit remuer une caisse aux tintements précieux. Gérard se retourna, trahi.

— Pas ma collection de briquets !

Roger leva une main en signe d’apaisement.

— Tu lâches ce foutu bouton et je t’assures qu’il leur arrivera rien.

Les deux amis se jaugèrent du regard. Avec délicatesse, Gérard lâcha le thermostat du four. En miroir, Roger déposa le carton de collection sur la table, entre eux deux.

— On est bons ? Demanda le cuistot.

— Ouais, hésita le pyromane. Désolé, je sais pas ce qui m’a pris.

Mais Roger ne l’écoutait déjà plus, occupé à saisir les briquets pour les placer sur la table.

— Par contre, j’espère que tu vas pas jouer aux dominos avec le trésor d’une vie.

— Mais non, voyons ! Je fais un cadran solaire.

Et Roger continua avec tout le soin du monde à organiser les briquets en arc-de-cercle. Gérard, lui, hallucinait.

— Sérieusement ? T’es au courant que ça s’improvise pas, un cadran solaire ?

— Ecoute, j’essaye d’être productif.

— Productif, mon œil ! Ton gâteau va cramer si tu continues comme ça.

— Bah qu’il crame, alors, s’il peut pas être parfait !

Il avait jeté le briquet fluo tektonik sur la table dans un geste rageur, l’instrument venant faire tomber tous les autres. Mais au lieu de rage, c’est de l’inquiétude qui monta en Gérard.

Roger n’était pas du genre à s’épancher sur ses émotions, alors le voir craquer… Même pour un far breton, il y avait anguille sous roche. Il s’approcha de son ami, son bras se glissant autour de ses épaules.

— Roger, qu’est-ce qui se passe ?

— C’est juste que… Ça fait pile cinq ans qu’on est en coloc, et t’es vraiment le meilleur coloc que j’ai jamais eu. Alors même si t’as déjà causé trois départs de feu cette année, j’voulais te remercier avec quelques chose que je sais faire, tu vois ?

— Je vois, t’inquiète mon reuf.

Il serra son ami contre lui. Il n’aimait pas le far breton, mais ça, il n’avait pas besoin de le savoir.

Le moment touchant fut brisé par une sonnerie stridente. Avec urgence, Gérard se précipita du côté du responsable, avant de comprendre. Il saisit l’objet en forme d’oeuf qu’il montra à son ami.

— Roger. T’avais mis un putain de minuteur ?

— Ah. Oui, c’est vrai.

Roger, tout comme le far breton, était cuit.

La bretonne en moi valide cette histoire    Si toutes les horloges s'arrêtent, la première vraie inquiétude valable c'est celle de la cuisson du far !
Ton histoire est drôle, j'ai bien aimé la lire    Et bravo d'avoir écris tout ça à la main en 1h30. Si j'avais du faire ça, je pense que j'aurais tout juste eu le temps d'écrire trois phrases  
Bravo !

J'ai tellement ri, merci pour ce bon moment !

Ahahah, j'aime beaucoup comment Roger devient fou pour une histoire de bouffe XD... Je ne suis pas bretonne mais j'imagine bien sa réaction vu qu'il a l'air d'être assez perfectionniste^^'.

Perso, je suis plus du même bord que Gérard, au pire, "on fait à l'a peu près" :')

Le pire dans tout ça qu'il avait un minuteur :')...

Mimisth a écrit:Ahahah, j'aime beaucoup comment Roger devient fou pour une histoire de bouffe XD... Je ne suis pas bretonne mais j'imagine bien sa réaction vu qu'il a l'air d'être assez perfectionniste^^'.

Perso, je suis plus du même bord que Gérard, au pire, "on fait à l'a peu près" :')

Le pire dans tout ça qu'il avait un minuteur :')...

Ah oui, je comprends, perso je suis totalement en mode "à peu près" x) En tout cas content que ça ait plu ^^

Très belle histoire qui m'a donné faim.

Tu écris vite à la main.

Bravo pour ton texte ! ça se lit bien, tu alternes narration/dialogue. Peut-être que l'enjeu aurait pu être mis plus en valeur ? Et attention aux verbes de regard aussi Mais merci pour ta participation en tout cas (et pour avoir placé le mot "miette") !