l'engagement

- tu es vraiment sûr qu’il faut se marier ?
- j’ai les alliances.
Armelle fouille maladroitement pour sortir les bijoux de sa veste, les mains tremblantes, elle en fait tomber un au sol. Raymond se penche pour le ramasser. Dans un geste affolé, Armelle tente de récupérer la bague dans les mains de son futur époux mais ce dernier referme sa main sur l’anneau argenté.
- Tu es vraiment sûr qu’il faut se marier ? Répète-t'il d’une voix plus calme.
- avons-nous vraiment le choix ? La jeune femme vient retrouver le regard de son futur mari. Ses grands yeux verts la fixent avec intensité. Si elle en était amoureuse, elle se jetterait probablement dans ses bras.
- c'était ton idée, tu te souviens ? Dit-elle sans le lâcher du regard.
Raymond baisse les yeux en direction de son poing, l’anneau encore emprisonné à l'intérieur. Il tend sa main vers Armelle et déplie ses doigts, laissant le champ libre à la jeune femme pour récupérer la bague.
- je tiendrai mon engagement s’il le faut.
Armelle le sait, il a toujours tenu parole, jusque là en tout cas. Elle reprend la bague et remet les alliances dans la poche de sa veste.
- pourquoi vouloir reculer maintenant ? Poursuit-elle pour briser le silence
- On va attendre beaucoup de choses de nous.
Armelle se crispe légèrement et réajuste sa veste
- comme quoi ? Un bébé ? Elle rit nerveusement tout en lissant sa robe.
- nous marier ne réglera pas tout, tu le sais aussi bien que moi, si ce n’est plus, explique Raymond d’un ton toujours aussi calme.
- on se débrouillera. On prétextera un problème de fertilité, nous ne serions pas les premier à qui cela arrive.
- tu es prête à être vue comme celle qui empêche son mari d’avoir une descendance ?
- Mais c’est mon choix, je le préfère à être expulsé hors des murs ! Tu veux que l’on finisse comme Claire ?
- on ne sait pas ce qu’il y a en dehors des murs, et si c'était mieux qu’ici ?
- la mort, voilà ce qu’il y a en dehors des murs. Armelle est tranchante, Claire est leur amie et la douleur est encore vive. Tu crois vraiment que le monde est meilleur dehors ? Tu crois qu’il nous laisseraient vivre tranquillement hors des murs alors qu’ils ne se soucient pas de nous à l'intérieur ?
- Tu sais il y a une femme et aussi Jean Jacques,
- ne me parles pas de Jean-Jacques ! coupe Armelle, c’est donc à cause de lui que tu remet tout en question ?
- pour qui d’autres ? Chuchote presque Raymond
- et moi dans tout ça ?
- je te l’ai dit, je tiendrais promesse s’il le faut. Seulement, je ne vais pas faire comme si cela me convenait. Si je ne l’avais pas rencontré, peut-être que cela serait plus simple.
- J’ai tout fait pour ne pas me retrouver dans ta situation, si tu avais repoussé Jean-Jacques assez tôt, tu ne serais pas dans cette situation.
- je ne peux pas être aussi insensible que toi, je ne pouvais pas le repousser.
- tu ne pouvais pas ? Armelle s’avance en le pointant du doigt, bien sûr que tu pouvais, tu n’en a pas eu envie, tu as préféré nous mettre en danger avant notre mariage.
- alors je n’ai pas ta force, concède Raymond.
- Rien ne t'empêche de poursuivre votre relation après notre mariage.
- Mais, ce n’est pas ça que nous voulons. Pour toi non plus.
- nous ? Armelle grimace. Je ne te laisserai pas m’abandonner pour une amourette !
- je ne t’abandonne pas, objecte Raymond en haussant la voix pour la première fois. Essaye de comprendre, nous allons gâcher nos vies pour rentrer dans le moule. Je ne supporte pas l’idée de devoir me marier pour faire comme si nous étions comme eux, nous allons construire nos propres barreau. Tu ne voudrais pas partir d’ici si tu le pouvais ?
- non, nous allons simplement tâcher de raser les murs pour trouver la liberté quand elle peut s’offrir à nous. Toi et moi sommes cette liberté, c’est grâce à notre amitié et notre mariage que l’on pourra vivre nos amours en toute tranquillité. C’est le mariage notre salut. Je ne partirais pas d’ici, ton engagement est la seule chose qui nous sauvera.
- Alors c’est fini, je ne te ferai pas changer d’avis ?
- Je t’attendrai demain devant l'église à 10h, comme nous l’avons convenu.
Raymond acquiesce mollement avant de sortir de la pièce, l'atmosphère est pesante et Armelle se laisse tomber sur le fauteuil. Elle déboutonne sa veste pour attraper une photo à l'intérieur de sa poche intérieure. Elle regarde le cliché un moment, laissant un larme atterir dans l’océan atlantique devant le quel se trouve une jeune femme souriante. Armelle se lève, encore prise d'émotion et laisse le papier rejoindre les flammes de la cheminée.

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-vous m’avez dit, hier ou avant hier, je ne sais plus : je suis a votre disposition
-exact
-J’aurai besoin de deux passeport pour passer la frontière
- Etes-vous sûr d'avoir mesuré les risques que cela implique ?
- oui, nous sommes prêts.
- il me faut vos nom, prénom et quelques détails physiques. Vos nouvelles identités doivent paraître les plus crédibles possible.
- Jean-Jacques Arty, j’ai 26 ans, je suis blond, imberbe et je porte des lunettes rondes.
- pas de taches de rousseurs, de cicatrice, de tatouage ?
- non, rien de tout ça
- vous m’aviez dit que vous étiez deux ?
- oui, mon … compagnon, s'appelle Raymond Hartmann, il a 32 ans, il est brun, les cheveux mi-longs, imberbe.
- Très bien, d’ici que tout soit prêt ne prenez aucuns risques. Nous ne pourrons rien faire pour vous protéger si vous venez à être interrogé.
- Merci, Suzanne.
- une fois passé la frontière je me ferai une joie de pouvoir vous donner mon véritable prénom. Je vous recontacte au plus vite.
Suzanne raccroche, le silence est entrecoupé par les sanglots de Raymond. Jean-Jacques resserre sa main sur la sienne en guise de réconfort.

J'aime beaucoup l'idée de lier les deux dialogues..
Un texte un peu triste mais très beau.

Très émouvante, cette histoire. J'espère que Raymond et Jean-Jacques vont réussir à s'enfuir ensemble, mais en même temps c'est triste pour Armelle, elle a pas l'air prête à prendre le risque de passer la frontière, mais j'espère que si elle reste vraiment là où elle est, elle finira pas mariée de force à quelqu'un d'autre

Sinon, d'un point de vue écriture, dans la 1ère partie tu pourrais peut-être un peu moins répéter leurs prénoms ; tu pourrais utiliser davantage il/elle, vu qu'il n'y a que deux personnages qui parlent, il n'y a pas de risque que le lecteur doute sur qui est "il" et qui est "elle".

Hello ! Des dialogues très réussis, bravo à toi ! Je ne pense pas avoir saisi tous les enjeux de l'univers (notamment pourquoi ils ont aussi peur de sortir de la ville), mais on saisit bien le problème amoureux. Mention spéciale pour la phrase : "Si elle en était amoureuse, elle se jetterait probablement dans ses bras." qui nous en dit beaucoup et est bien placée.
Merci pour ta participation !