Changeons et draguons

S1
Il aurait préféré passé sa soirée Halloween à regarder un bon film d’horreur en se goinffrant de bonbons, mais l’amie de Charlie ne pouvait plus supporter de le voir célibataire, et lui non plus. Cette idée speed dating s’avérait cependant plus effrayante que le plus terrifiant des films. Le bar avait été décoré pour l’occasion, pour offrir à ses célibataires un cadre romantique : des toiles d’araignées pendantes au plafond, des bocaux remplis d’yeux baignant dans du liquide verdâtre, un sol tâché de faux sang, et mille autres horreurs. Les propriétaires du bar avait tout donné. Il y avait du monde, et Charlie se sentit idiot lorsqu’il vit tout ce monde déguisé pour l’occasion. Lui s’était habillé avec les plus beaux vêtements qu’il avait trouvé au fond du placard. Après tout, si les personnes normales n’avaient pas daignée vouloir prolonger les soirées avec lui, peut-être qu’un vampire ou un loup-garou était ce qui lui convenait. Il avança discrètement et en se noyant dans la foule de célibataire, il ressentit une chaleur venue des enfers. Etait-ce un coup de foudre en approche ou le stress montant en lui ? Il se convainquit que ce ne devait être que le chauffage monté à bloc, ajouté à la chaleur corporelle dégagée par toutes ces personnes.

S2
Charlie peinait à engager des conversations avec les gens, trop occupées sur celles qu’elles menaient déjà, alors il se réfugia dans un coin, près d’une statue d’orc qu’il trouvait étonnament bien faîte. Il n’y prêta pas plus d’attention cherchant à s’installer à une table vide pour faire le point sur son plan d’attaque. Mais le bras de l’orc fit un mouvement brusque qui fit sursauter Charlie. Le monstre fit un grognement puis salua notre célibataire.
- J’t’ai fait peur ? lança-t-il d’une voix grave.
- Ah, vous êtes vivant. Enfin, je vous ai pris pour un animatronique.
- En chair et en os ! s’exclama-t-il dans un nouveau grognement.
Finalement, il regretta les soirées avec des gens normals.
- Viens, on va parler tous les deux.
Charlie le suivit à une table sans un mot, tant il ne comprena pas ce qui lui arrivait. Ils s’asséyèrent, et un blanc se répandit entre eux. Il avait tout prévu pourtant, et son antisèche était bel et bien glissée dans la manche de sa veste, mais là, rien ne venait. Et les grognements de l’orc n’arangeait pas les choses. Finalement, il se lança :
- Enchanté, je m’appelle Charlie, et toi ?
- Azorh ! Chef de la Compagnie Orque des Monts de cendre !
- Oh, je vois… Tu sais, tu n’as pas besoin de jouer un rôle. Je préfère les relations honnêtes…
- J’aime beaucoup tes yeux, j’espère qu’ils ont le même goût que ceux de mon chien.
- Oh, euh, merci ?
- Tu sais, les orcs ne sont pas très apprécié en ville, alors ça me fait plaisir que tu acceptes de parler avec moi.
Ce n’était pas comme s’il avait eu le choix, quoiqu’à y réfléchir, il aurait pu s’enfuir. Mais non. Pas déjà, il s’était fixé une règle, ne pas lâcher ceux qui s’intéressent à lui, même s’ils s’avèrent être un peu particulier. Azorh était la personne la plus étrange qu’il ait croisé dans sa vie, une vie qui n’avait rien d’extraordinaire. Alors, il tenta sa chance, et décida d’en apprendre un peu plus sur lui.

S3
Ils échangèrent donc sur des sujets tout aussi innattendus que la personne d’Azorh. L’orc lui demanda son avis sur les guerres elfiques de la Vallée d’Osmus, ainsi que son cocktail préféré. Azorh, lui, ne pouvait se passer du Sang-de-Nymphe. Charlie décida donc de lui offrir un verre, mais il doutait qu’i y aurait du Sang-de-Nymphe dans ce bar. Azorh voulut l’accompagner, et en se levant, une femme lui rentra dedans. Azorh n’avait pas bougé d’un poil. Elle cria à sa vue.
- Ne vous inquiétez pas, il ne mange que les yeux, lui dit Charlie.
Elle aussi s’était déguisé, en chat noir.
- Oh, si ce n’est que ça… dit-elle en replaçant maladroitement son serre-tête oreilles de chat. Hmm, Vous étiez ensemble ?
- Oui, je vais juste au bar.
Elle l’accompagna sans lui demandé son avis.
- Je m’appelle Lucie, c’est la première fois que tu viens dans ce genre de soirée ?
- Oui, et vous ?
- Tu peux me tutoyer, ça sera plus simple. Et donc, en quoi tu t’es déguisé ? En psychopathe ?
Charlie essayait d’atteindre le bar mais il n’osait dire aux gens se décaller pour le laisser passer. Lucie héla le barman et lui demanda deux Sang-de-Nymphe.
- Je te l’offre. Viens, on va prendre l’air.

S4

Mais Charlie refusa l’offre en voyant qu’il avait perdu de vue son orc. Lucie le planta là et s’en retourna à un autre jeune homme. Il retourna à la table où il s’était assis avec Azorh mais ne le vit pas ici. Il pensa alors qu’il avait quitté le bar.
- Et voilà, j’ai encore gâché deux chances.
Il soupira et chercha une nouvelle cible. Il vit alors un homme debout dans son coin, qui ne semblait pas pris par quelqu’un. Charlie tenta sa chance.
- Bonjour.
- Ah, c’est à moi que tu parles ?
- Bien sûr.
Bonne pioche, il était tombé sur la parfaite personne. Une sur laquelle il pouvait avoir l’ascendant, car cet homme s’avérait plus timide que lui.
- Bonjour, alors.
- Charlie, enchanté, et toi ?
- Peter…
Peter ne s’était pas déguisé lui non plus.
- Tu t’es déguisé en psychopathe comme moi ?
- Ah non, je ne me suis pas déguisé, mais pourquoi tu dis ça ?
- Parce que j’imagine que les psychopathes se fondent dans la masse.
- Ah…
Azorh le manquait déjà. Ses blancs avaient beaucoup plus de profondeur que ceux de Peter.
- Et tu fais quoi dans la vie ? Moi je fais des études d’histoire.
- Euh, je suis en recherche d’emploi.
- Ah mince, je te souhaite bon courage alors. Ça va, tu arrives à occuper tes journées ?
Charlie avait ressorti son coup de l’antisèche.
- Oui, je m’occupe.
Peter but son verre un grand coup lorsque son téléphone sonna. Il s’excusa brièvement avant de le laisser à nouveau seul.
- Avec tout ça, je n’ai pas bu moi, dit Charlie.

S5

Le bar s’était dégagé et Charlie pu y prendre une place. Il commanda un Sang-de-Nymphe, comme l’avait fait Lucie, et était curieux de savoir ce qu’il y avait dedans. Un peu d’alcool dans le sang ne ferait pas de mal à son assurance. A côté de lui se trouvait une très belle femme, que Charlie salua.
- Bonjour, dit-elle sèchement en buvant un verre avec un faux doigt dedans.
Elle était déguisée en elfe, et vraiment, Charlie ne pouvait pas la laisser partir, même si elle lui semblait imprenable.
- Tu fais quoi dans la vie ?
- Psychologue, et je savais que tu allais me poser cette question, tout le monde pose ce genre de question, vous pourriez être plus original.
- Tu cherches l’amour, toi ?
- Non, en fait, je sors de la convention d’en face, et je pensais qu’elle continuait jusqu’ici lorsque j’ai découvert que c’était une soirée pour célibataires. Donc désolée, mais je termine mon verre et je passe mon chemin. Et pourquoi t’es pas déguisé toi ?
- C’ets mon amie qui m’a invité ici, disait-il en faisant celui qui n’était pas du tout intéressé par l’amour. Elle ne m’a pas dit qu’on devait se déguisé. Bah au moins je rencontre des gens, y’en a de ces chelous d’ailleurs.
- Ok super, désolée mais j’ai fini mon verre, j’espère que tu n’es pas tombé amoureux de moi.
Elle le quitta sans même lui avoit dit son nom et le laissa à nouveau seul. Il commençait à se faire tard et Charlie était fatigué, alors comme il en avait l’habitude et parce que ça le saoulait de se démener pour rien, il sorti du bar « L’enchanteur » qui ne l’avait pas plus enchanté que ça, mis à part la décoration.

S6
Azorh donnait des coups de poings dans la portière d’une voiture. Charlie l’interpella, désormai convaincu qu’il avait eu affaire à un fou. Azorh le retrouva avec un sourire aux lèvres et l’invita à monter à bord.
- Qui ne tente rien n’a rien, je te suis Azorh.
L’orc grogna comme un chat ronronnerait. Mais une troupe au loin coupa son réjouissement. Des tas de personnes déguisées en elfe tout droits issus du Seigneur des anneaux débarqua, bloquant la route aux voitures.
- Qu’est-ce que c’est que ce bordel, lâcha Charlie à voix haute, tant la situation le surpassait.
- Ils ne nous laisseront jamais tranquille, ces maudits elfes, garg ! lança Azorh.
Une ribambelle d’orcs sortis de la convention d’en face du bar, armés de haches.
- Cette guerre a trop durée, mes chers frères et sœurs, lança Azorh qui s’adressait à ses troupes.
Charlie se pinça à plusieurs reprises pour sortir de son rêve, mais ça n’en était pas un. Azorh lui donna une lourde hache qu’il peina à soulever, et lui promis une lune de miel lorsque la guerre sera finie. La fatigue avait du lui donner ses halucinations, ou alors était-ce ce Sang-de-Nymphe. Azorh et ses guerriers orcs s’élancèrent vers les elfes qui lancèrent leurs premières flèches. Charlie avait vraiment du mal à lâcher les gens qui s’étaient attachés à lui, alors il n’eut d’autre choix que de suivre Azorh. C’était sans doute la seule chance de sa vie d’entrer dans une relation. Il n’eut le temps de plus réfléchir, car une flèche se planta dans ses côtes et il s’évanouit peu après.

Lorsqu’il se réveilla, dans une tente en peaux, il sentit un bon fumet chatouiller ses narines. Il tourna la tête et vit le dos nu d’Azorh, recouvert de cicatrices.
- Azorh ? dit-il faiblement.
- Charlie ! T’es réveillé !
Et il se précipita vers lui pour le serrer dans ses bras robustes.